Publié sur Sympoésieum (revue de poésie en ligne)
Persistantes senteurs de corps chauffés à blanc
Chevelures haletantes, lèvres où tu plantes les dents
Pénombre sur les yeux avec l’heure qui avance
Les grands arbres soudain ont suspendu leur danse
Le vent s’enfuit déjà avec la marée basse
Il rebrousse le courant et referme la passe
Où émergent un à un les bancs de sable blanc
Il y a le temps qu’il fait et puis le temps qui passe
Il coule sans remord dans nos mains qui s’enlacent
Etais-je encore vivant, suis-je déjà mort ?
Est-ce que je dis vrai si je dis « je dors » ?
Je cherche dans les signes les signes de ta présence
Mais ne tombe sous mes yeux que la poussière d’absence
Faut-il croire le miroir qui renvoie au passé
Un instant murmuré un instant effacé
Prisonniers de nos sens, affolés par le sang
Le temps nous accable d’une infinie patience
Nous avons cru pouvoir le tromper un instant
Mais il n’est rien de vrai et pas grand-chose de sûr
J’ai bien vu sur la grève les traces de nos chaussures
Elles avancent à rebours et se noient dans l’espoir
De la vague qui meurt de la mer qui avance
Plus rien n’est certain plus rien ne tient la route
Et tout ce que je crois vient confirmer mes doutes
Il y a des heures trop pleines qui sont toujours trop brèves
Je n’en suis pas si sûr, mais il se peut quand même
Qu’en croyant me croiser, tu ne croisais qu’un rêve
Ephémère miroir de ton regard perdu
Tu croyais bien me voir mais j’avais disparu
Aspiré par le temps comme dans un escalier
Que j’aurai descendu qui m’aurait avalé
Je suis là-bas tout au fond il n’y a plus rien à voir
C’est une incertitude qui me taraude sans trêve
Crois-moi si je t’écris que je ne suis qu’un rêve
(– ne le crois pas, ne le crois pas !-)
Il y a les mots et la littérature
les bateaux, les poèmes avec leurs ratures
il y a les oiseaux, la mer, les arbres et la nature
j’étais là, avec toi, mais n’en suis pas si sûr
il vaut mieux, à tout prendre, au petit jour qui pointe
en cette heure incertaine où le soleil se lève
respirer un grand coup, poser les mains à plat
préparer du café, se faire un chocolat
et se dire au passage, que ce n’était qu’un rêve