Volvo Ocean Race 2014/2015

La Volvo Ocean Race est une régate à la voile en équipage autour du monde, courue sur des bateaux monotypes de 65 pieds (20 m). L’édition 2014/2015, partie d’Alicante en Octobre 2014, a fait escale à Capetown (Afrique du Sud), Abu Dhabi (UAE), Sanya (Chine), Auckland (Nouvelle Zélande), Itajai (Brésil), Newport (RI, USA), Lisbonne (Portugal), Lorient (France) pour, après plus de 40.000 miles de navigation s’achever début juillet 2015 à Göteborg, en Suède. C’est la plus longue (en temps et en distance) épreuve sportive qui soit. Lepetitjournal/Lisbonne a eu l´occasion d´échanger, en exclusivité, quelques propos avec Knut Frostad, le CEO de la Volvo Ocean Race.

Lepetitjournal: Tout d’abord, quelques mots de présentation, si vous le voulez bien.

(Photo : Ch. Sims)
Knut Frostad : Norvégien, 48 ans. Mon parcours a commencé avec les Jeux Olympiques en windsurf. La Volvo Ocean Race occupe une place très importante dans ma vie : grâce à elle, j’ai effectué quatre tours du monde à la voile dont deux comme skipper. Ce qui fait que, quand il y a huit ans on m’a demandé d’en prendre la responsabilité j’ai accepté. Au delà de ma passion pour la mer et la course à la voile, il s'agissait d’abord de relever ce qui me semblait un immense défi. A l’époque, même si je m’en doutais, je n’ai pas vraiment vu ce que ce choix impliquait pour la vie personnelle.

Cela fait partie des présentations ; êtes-vous marié ? Avez-vous des enfants ?
Oui, j’ai une famille. Ma femme et mes deux enfants vivent en Espagne.
Si La Volvo Ocean Race n’est pas une course facile en général, elle ne l’est pas non plus pour les familles. Cette année par exemple, je n’ai pu les retrouver qu’à de rares occasions au cours des escales qui coïncidaient avec leurs vacances scolaires.
Ce genre de vie, ou vous l’aimez ou vous la haïssez; si vous n’aimez pas, il ne faut pas le faire. J’ai choisi de l’aimer. Tous ceux qui mènent ce genre de vie en connaissent et en acceptent le prix.

Qui compose l’équipe permanente de la Volvo Ocean Race ?
En ce qui concerne notre organisation à proprement parler, nous sommes une centaine de personnes dont quelques unes seulement restent à Alicante. Tout le reste du personnel se déplace avec la course où à chaque étape, nous devons tout réinstaller. Mais, comme il ne suffit pas d’avoir 7 voiliers et 7 équipages pour faire un tel tour du monde, nous travaillons étroitement avec les équipes d’appui des sponsors, ce qui représente environ un millier de personnes qui suivent les bateaux d’escale en escale.

(Photo : H. Hette)
Comment parvenez-vous à faire travailler ensemble toutes ces personnes de langue et cultures différentes?
Dans notre staff, il y a seize nationalités différentes, mais cela rend la chose encore plus intéressante à mes yeux. Ça apporte une forme de souplesse créative. C’est mon boulot : transformer toutes les différences en une forme d’énergie, positive dès lors que toutes les énergies individuelles convergent vers le même but.
C’est analogue à ce qui se passe sur un bateau et j’ai appris ça avec cette course. A compétences égales, l’équipage qui marche le mieux est celui qui réussit à créer le plus de dynamique collective à partir des singularités de chacun; un équipage qui n’a pas cette énergie collective n’avance pas. C’est ce qui fait la différence. Un équipage national perdrait un avantage de ce point de vue. "Abu Dhabi" par exemple regroupe cinq nationalités différentes sur huit équipiers.

Et ils sont en train de gagner…
Oui, ils sont en train de gagner. Une des choses que j’ai apprise est que quand on travaille avec des étrangers, on développe un plus haut niveau de tolérance. Car quand on est entre nationaux, on partage les mêmes références, les mêmes principes éthiques, tout ce qui constitue une culture. En ce qui me concerne, quand je travaille avec des Français ou des Américains, je prends en compte les origines comme un fait donné et du coup m’intéresse plus à ce qu’ils sont, leurs personnalités, leurs singularités.

Ce qui fait qu’il faut définir un but commun à tous ?
Exactement et c’est ce qui fait aussi que cette course est unique; à bord, quelque soit les origines, les nationalités, les rôles et les statuts, tous ont comme point commun de servir au mieux le bateau.

(Photo : M.J. Sobral)
C’est peut-être un peu tôt, étant donné qu’il y a encore trois semaines de course, mais vous est-il déjà possible de tirer les premiers éléments d’un bilan de cette édition ?
En effet, du point de vue de la compétition, les jeux ne sont pas encore faits; la seconde et troisième place sont à portée de pas moins de quatre concurrents qui gardent tous leurs chances de podium. 

Ce seront les mêmes bateaux qui repartiront pour la prochaine édition 2017/2018, même si les sponsors (et donc les couleurs des bateaux) peuvent changer, pensez-vous voir plus de bateaux inscrits ?
Oui, je l’espère. Nous avons la possibilité d’en construire deux ou trois en plus. 

Allez-vous garder les mêmes villes étapes ?
Non; nous faisons systématiquement des changements. Mais nous avons déjà les villes qui ont confirmé leur participation pour deux éditions, Lisbonne, Le Cap, Auckland par exemple. Nous avons encore à confirmer la moitié des prochaines escales. Nos équipes y travaillent déjà. 

La Volvo Ocean Race retournera-t-elle en Chine ?
Ça n’est pas encore arrêté. Nous aimerions. Pour nous, c’est une sorte d’investissement à long terme, mais la Chine, c’est compliqué. Ils n’ont pas tant de grandes villes que ça en bord de mer avec les infrastructures nécessaires. Nous espérons bien revenir. Nous sommes en train de négocier avec quatre villes possibles en ce moment. De toute façons, nous ne reprenons jamais exactement le même parcours, histoire d’éviter la routine.

Alors, pour la prochaine édition, allez-vous essayer d’éviter le Sud-Est de l’Océan Indien et ses hauts fonds ?
Oui, oui.

À ce sujet, la renaissance de Team Vestas (ndlr : détruit à 60% sur un récif dans l’océan Indien) a été un événement incroyable.
Oui, c’est le résultat d’un effort collectif massif. Mais c’est un peu la règle dans cette course : réussir ce qui semble impossible.



Christophe Sims (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) lundi 15 juin 2015